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Une classe ordinaire ou presque (1/3)

Une classe ordinaire ou presque (1/3)

MATERNELLE :

  • Comment notre projet de « classe d’accueil » a peu à peu pris forme ?
  • une idée de ce que vivent les enfants de l’école en général, ceux de la classe d’accueil en particulier, l’équipe des enseignants, les parents et tous nos partenaires

Auteur : Claudine Blancou, institutrice tout récemment à la retraite

Information : Claudine Blancou a également publié un livre « Une classe pas comme les autres » en 2013.

Présentation de l’école et de ma classe :

Implantée en zone urbaine à la périphérie de la commune de Nîmes, l’école maternelle du Mas des Gardies est dotée de cinq classes. Comme toute école publique elle accueille les enfants du quartier. De plus, au niveau de la classe des grands dont j’ai la charge, elle accueille depuis de nombreuses années des enfants de proximité en situation de handicap.
Cet état de fait nous a peu à peu amenés à élaborer un projet d’école « Vivre, communiquer et apprendre ensemble ».

C’est maintenant dans le cadre de ce projet que se situe ma classe. Classe ordinaire, ou presque… à laquelle nous avons tout naturellement donné le nom de : « Classe d’accueil ».

En effet la seule particularité de cette classe est de rassembler des enfants dits « accueillants » et d’autres dits « accueillis ». J’expliciterai ces termes un peu plus tard.

Mon propos ici est d’abord de montrer comment notre projet a peu à peu pris forme et ensuite de donner une idée de ce que vivent les enfants de l’école en général, ceux de la classe d’accueil en particulier, l’équipe des enseignants, les parents et tous nos partenaires.

Historique du projet :

Depuis 1996 l’école a répondu à un besoin de scolarisation d’enfants en situation de handicap. Au fil du temps nous avons éprouvé la nécessité de donner forme à notre travail auprès de ces enfants en vue d’une meilleure efficacité.

Elaboré en 2000, notre projet d’école prend maintenant en compte la présence parmi nous, d’enfants «différents ». Il manifeste la volonté de l’équipe enseignante et éducative de trouver une place pour chaque enfant.
Le projet « Vivre, communiquer et apprendre ensemble » est axé sur les compétences transversales : attention, motivation, goût de l’effort, esprit civique, responsabilité.

En janvier 2001, se tient dans notre école une réunion avec tous les partenaires susceptibles d’être concernés : les représentants de l’éducation nationale, de la santé scolaire, de l’hôpital de jour du C.H.U.
Elle a pour but d’affiner le projet et d’envisager l’avenir de cette classe dite « d’accueil ».

En mai 2001 le projet, qui peu à peu a pris forme, est présenté aux inspecteurs concernés.

En octobre 2001 le conseil d’école entérine le projet et confirme le soutien des parents d’élèves.
(Le représentant de la mairie nous encourage à expliquer le projet sous la forme d’un texte de quelques pages. Il nous propose son aide pour la réalisation au plan matériel d’un fascicule.)

Mise en place du projet d’école :

L’organisation de l’école a permis un allègement sensible de l’effectif de la classe dite d’accueil.

De son côté la mairie a bien voulu nous soutenir en ce qui concerne les effectifs. Comprenant le bien fondé de notre démarche, le service chargé des inscriptions, accepte de ne pas surcharger l’école malgré les difficultés de scolarisation sur les quartiers environnants.

Les parents d’élèves (accueillants et accueillis) nous encouragent. Régulièrement ils s’informent de l’avancement et de la réalisation du projet.

Les caractéristiques de la classe d’accueil :

« Les accueillants »

Ce sont les enfants normalement inscrits à l’école, qui sont du niveau de la grande section de maternelle et dont la personnalité semble compatible autant que possible avec le profil de la classe.
On observe qu’au sein de la classe ces enfants développent peu à peu des attitudes profondément citoyennes d’entraide et d’accueil à l’autre. La socialisation prend alors tout son sens.

Sur le plan cognitif, le fait d’observer que des stratégies différentes sont déployées pour leurs camarades « accueillis », de constater qu’une autre approche des acquisitions est possible, les fait progresser eux-mêmes. Ils prennent ainsi conscience que l’acquisition des connaissances est toujours possible. Les plus faibles d’entre eux trouvent là espoir et stimulation.

« Les accueillis »

Ce sont essentiellement des enfants présentant des troubles envahissants du développement (autisme entre autres).
La plupart du temps les parents de ces enfants ont énormément de mal à trouver une école qui accepte de les recevoir.

En ce qui concerne notre école, nous ne recrutons pas ces enfants. C’est à la demande des parents et/ou de l’hôpital de jour (quand celui-ci pense trouver là une solution adaptée) que nous les recevons ; l’inscription se faisant par l’intermédiaire de la secrétaire de circonscription.
Concernant la période qui nous intéresse, les enfants sont arrivés à l’école à la demande de la secrétaire de circonscription et après étude de leur profil avec les enseignants de l’école et le personnel responsable des soins.

Les intervenants actuels de la classe d’accueil :

L’enseignante.

Donc moi-même. Me trouvant plusieurs fois confrontée au cours de ma carrière au problème des enfants « différents », j’ai demandé à bénéficier de deux années de « congé pour formation ». Ainsi, pendant toute cette période, j’ai pu apprendre «sur le tas » en travaillant à titre de « simple institutrice » dans le service de pédopsychiatrie de l’hôpital de jour de Nîmes. En même temps j’ai suivi des études de psychologie jusqu’à la licence.

Affectée à un nouveau poste à l’école maternelle du Mas des Gardies, j’ai découvert des collègues de même sensibilité que moi. C’est ainsi qu’a pu être élaboré le projet d’école actuel. J’aurais pu partir à la retraite en septembre 2002 ; j’ai prolongé de deux ans pour que notre projet cesse de n’être « qu’un projet » sans garantie d’avenir mais devienne une réalité pérenne officiellement reconnue.

L’ A.T.S.E.M.

Elle s’est pleinement investie dans la mission que nous avions définie au cours des différentes réunions. Pour mieux comprendre les enfants présentant des troubles envahissants du développement avec lesquels elle est en contact permanent elle a souhaité se former, elle a beaucoup lu et a suivi un mini stage.

L’ A.V.S. (auxiliaire de vie scolaire)

Recrutée pour les besoins de la cause, elle aussi s’est aussi formée « sur le tas » par des lectures et des enregistrements vidéo sur le sujet.

L’équipe enseignante de l’école.

Cette équipe est concernée lors des activités communes : pour les décloisonnements, pour les sorties, pour les moments d’échange de service quand la maîtresse de la classe n’est pas remplacée ou pour les fêtes communes.
L’équipe qui désire s’informer et se former souhaite bénéficier d’un stage d’école pour mieux comprendre et par là mieux gérer les enfants accueillis.

Les conditions actuelles de l’accueil :

L’effectif de la classe d’accueil est nécessairement allégé. La collègue responsable de l’autre classe des grands s’est proposée de recevoir quelques élèves en plus. Cette disposition fait partie intégrante du projet mis en place. Mais il est évident que si le profil de classe devait se pérenniser il faudrait impérativement revoir la question.

Le trouble ou handicap présenté par les enfants accueillis est compatible avec la scolarité normale des enfants accueillants.

L’emploi du temps pour les enfants accueillis est structuré de façon à préserver les temps de soins en milieu hospitalier. Le temps de présence en classe des enfants accueillis est étudié en contrat d’intégration en présence de la secrétaire de circonscription et avec l’accord du service de soins de l’hôpital.

Une plage horaire hebdomadaire, avec uniquement dans la classe les enfants accueillants, est respectée de façon à ce que je puisse analyser avec eux sereinement les difficultés éventuellement rencontrées au contact de leurs camarades. Ils peuvent ainsi s’exprimer et envisager des solutions ou des stratégies.

Une réunion avec tous les parents a lieu à la rentrée. C’est l’occasion pour moi de préciser le profil particulier de la classe et de répondre aux questions, autrement dit de « démystifier » les choses.
(Le service de soins de pédopsychiatrie de l’hôpital m’a proposé son concours pour une réunion d’information si j’en ressentais la nécessité.)

Quelques réflexions sur l’approche pédagogique

Les horaires sont ceux d’une grande section ordinaire avec des aménagements sur la semaine pour les enfants accueillis.

La vie sociale des enfants accueillis est ponctuée de difficultés. Mais celles-ci sont « rabotées » par le contact ciblé et volontaire (pour ne pas dire volontariste) avec les enfants accueillants, ainsi que par l’utilisation de langage verbal et non verbal.

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Pour les enfants accueillis, plus encore que pour les accueillants, l’écoute des autres et du maître est l’objectif majeur.

Le respect des règles de vie au sein de la classe est un autre objectif très important, même s’il est soumis à des adaptations quand l’angoisse provoquée est trop forte. Ces adaptations sont possibles parce que les accueillants ont une certaine connaissance du trouble présenté par leurs camarades, et aussi par la présence d’un adulte supplémentaire en la personne d’une A.V.S.

Les matières enseignées sont celles d’une grande section ordinaire. Seules les applications ou les mises en situation sont différentes pour les enfants en grandes difficultés cognitives et/ou comportementales.

Ces enfants, plus que les autres, ont beaucoup de mal à généraliser les apprentissages. L’enseignant doit toujours en tenir compte.

La compréhension de l’enfant autiste ou porteur de trisomie ne doit jamais être surestimée, sans quoi on ne peut jamais être assuré de l’acquisition des connaissances. Il est donc important de toujours vérifier qu’une consigne a été comprise.

Paradoxalement les enfants accueillis développent parfois des compétences étonnantes au niveau de la mémoire et de la reconnaissance des mots, en pré lecture par exemple.

Quelle que soit la matière abordée, comme pour tous les enfants, il convient de valoriser la réussite en vérifiant que l’enfant accueilli comprend pourquoi on le valorise.

Cette pédagogie différenciée peut être avantageusement mise en place par les enfants accueillants à l’occasion des activités libres ; elle leur permet de se sentir acteurs du projet (ce qu’ils sont dans les faits) et de confirmer des attitudes hautement citoyennes qui préparent les adultes de demain.

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La présence de l’A.V.S. permet à chacun de trouver sa place, c’est à dire de s’inscrire dans un processus d’apprentissage valorisant.

De plus elle est essentielle pour une consolidation des explications.

Cette présence s’avère précieuse aussi quand il faut ramener au calme un enfant accueilli qui se trouve en difficulté comportementale parce qu’il angoisse devant une tâche à accomplir.

A propos des matières enseignées

En ce qui concerne les enfants accueillis je voudrais souligner maintenant, pour chaque matière enseignée, plusieurs aspects très différents qui entraînent des réussites très différentes.

Le langage

Il est le point central de la difficulté à communiquer. Face à ce problème je dirai que l’imitation est le maître mot.

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Les moments de langage en commun sont les plus difficiles à gérer. Il est important d’apprendre à l’enfant (autiste en particulier) qu’il faut répondre aux questions et participer à une conversation.
La simplification du langage utilisé favorise la généralisation des apprentissages. L’utilisation de moyens visuels concrets permet de confirmer le sens des mots.

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L’écriture

Elle est pour l’enseignant un véritable « casse tête ». En effet, dans le domaine des compétences d’ordre disciplinaire la difficulté pour l’enfant accueilli à laisser une trace reste « la pierre d’achoppement ». L’enseignant a donc bien du mal à évaluer ces compétences.

La difficulté à laisser une trace pourrait être contournée éventuellement par l’utilisation d’ordinateurs à écrans tactiles. A essayer…

Les mathématiques

Les activités de tri et de sériation sont complexes, peut être à cause d’une difficulté de l’enseignant à se faire bien comprendre et de l’abondance des informations à traiter.

Pour ces délicats et difficiles moments de manipulation la présence d’un adulte près de l’enfant accueilli permet un étayage et une plus grande disponibilité intellectuelle de ce dernier.

La numération ne pose pas toujours un problème insurmontable bien que les stratégies utilisées par l’enfant accueilli diffèrent des stratégies habituelles

L’utilisation de plans simples, ainsi qu’il est souhaité en grande section de maternelle, reste un point trop abstrait ; mais cette activité, comme toutes les autres, est toujours proposée.

La connaissance du monde

Elle procède des mêmes difficultés de généralisation, mais l’acquisition de vocabulaire permet une plus grande possibilité d’adaptation.
De ce fait, dans la classe d’accueil, la participation des enfants en grandes difficultés aux sorties normales de la classe est une évidence et une nécessité.

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En 2003 /2004 toute la classe a pu bénéficier d’une dizaine de jours au centre aéré de Bouillargues près de Nîmes.

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Nous ne perdons pas une occasion de plonger dans la vie de la cité.

lien vers la suite « 2/3 » 

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